Mise à jour le 04/05/2023

Les grandes crues de la Loire au XXe siècle dans le Pays d'Ancenis

L’année 1910 est exceptionnelle par la répétition des crues et par l’ampleur de la dernière, en novembre-décembre. En janvier, la Loire est très haute. Elle atteint 6,34 m au pont d’Ancenis le 26. Puis elle redescend. Pas pour longtemps. Au début de mars, elle retrouve presque son maximum de janvier. « À la Meilleraie [à Varades] et dans tous les villages riverains jusqu’à Ancenis, l’eau monte presque jusqu’au premier étage des maisons qui, pour la plupart, ont été abandonnées par leurs habitants », écrit le 2 mars le journal Le Phare de la Loire. « On emmène précipitamment en bateaux bestiaux et mobiliers. À Ancenis, la Loire envahit tous les quartiers bas de la ville ; l’eau pénètre dans un grand nombre d’habitations. À onze heures ce matin, l’échelle marquait 6,30 m, soit deux centimètres de moins qu’à la dernière crue. »

Mais le pire est à venir. En novembre, la Loire recommence à déborder, pour atteindre 7,06 m au début de décembre. Du jamais vu depuis deux siècles ! La ville d’Ancenis est cernée par les eaux. La rue de la Gare (actuelle rue Georges-Clémenceau) est coupée. On circule en bateau ou sur des pontons de planches. « À Ancenis, la situation est terrible », écrit Le Phare le 3 décembre. « Il n’y a plus d’éclairage par suite de l’inondation de l’usine à gaz. Les habitants manquent d’eau potable. Un grand nombre de maisons des bas quartiers sont inondées jusqu’au premier étage. »

La rupture de la levée du chemin de fer

La catastrophe survient le 2 décembre. La levée du chemin de fer qui protège la Vallée contre l’inondation se rompt à Varades. L’eau s’engouffre à grand fracas par la brèche, envahit la Vallée et retourne dans la Loire par une seconde brèche à la Cave (commune d’Anetz). À Varades, Anetz, Oudon... toute la vallée est inondée. Les habitants sont évacués. À Anetz, « au moins les deux tiers des habitants ont dû venir chercher refuge au bourg », raconte un témoin des événements. « À la rupture de la levée qui s’est produite à Varades, l’eau nous est arrivée avec une telle violence que le niveau s’est élevé de plus de trois mètres en moins de trois heures. » La circulation des trains est interrompue pendant près de deux mois. La route de Paris est coupée à Bel-Air à la sortie d’Ancenis, à la Boule d’or et à la Foucherie à Anetz, en contrebas du château du Coteau à Varades... À Oudon, l’eau recouvre d’une trentaine de centimètres la voie de chemin de fer.
En janvier 1936, le niveau de l’eau se rapproche de celui de 1910, avec une cote de 6,83 m à Ancenis. La route de Paris est de nouveau coupée à Bel-Air. La levée de Liré qui mène au pont d’Ancenis est submergée. Après 1936, la cote de 6 m a été plusieurs fois dépassée à Ancenis, jusqu’en 1961. À Noël 1952, l’eau est si haute qu’on interdit la circulation sur le pont provisoire, car on craint que les courants n’emportent son tablier. La basse ville est sous l’eau.

La crue de Noël 1982 est la troisième grande crue du XXe siècle. Mais l’extraction massive de sable dans les années 1970 a entraîné un enfoncement du lit de la Loire. À Ancenis, alors que l’eau atteint le même débit qu’en 1910, la hauteur maximale (6,06 m) est inférieure d’1 m. Pourtant, malgré les importants remblaiements du jardin de l’Éperon et de la Charbonnière, l’eau est bien près d’envahir la rue du Général-Leclerc. Par précaution, les trains circulent à toute petite vitesse sur la levée de chemin de fer pour ne pas la fragiliser.
À Anetz, le chantier de construction d’un passage souterrain route de la Chaussée a ouvert une brèche dans cette levée. Sans le déversement en toute hâte de 450 tonnes de pierre pour obturer l’ouverture jusqu’à la fin de la crue, les eaux se seraient engouffrées dans la Vallée comme en 1910. À Varades, retrouvant les vieilles habitudes des riverains de la Loire habitués aux inondations, les pêcheurs prennent le relais du facteur pour livrer le courrier aux habitants de la Meilleraie.