Mise à jour le 26/09/2022

Thérèse Lemoine aux multiples facettes

La vie de Thérèse Lemoine est un diamant brut, qu’elle a su polir pour en faire ressortir toutes les facettes et rendre la dureté éclatante. Originaire de Vallons-de-l’Erdre (Bonnoeuvre) où elle a passé son enfance et son adolescence, son chemin de vie est hors du commun. 

À 20 ans, elle a trouvé sa voie : elle vient d’apprendre qu’elle est reçue en 2e année pour devenir animatrice socio-culturelle, dans une école à Rennes sélective et exigeante. Elle rêve aussi d’intégrer une compagnie de danse. « J’étais heureuse dans cette école. On touchait à tous les arts », détaille-t-elle. « J’ai eu les ailes coupées en plein vol. » Car à Vallons-de-l’Erdre, près de chez ses parents, elle est percutée par une voiture. Elle perd l’usage de ses jambes. Elle est hospitalisée à Ancenis-Saint-Géréon. S’ensuivent neuf mois de rééducation au centre de Kerpape, à Ploemeur, près de Lorient. « Quand on se prend une claque par la vie, il faut cheminer soi-même : c’est un long parcours de souffrance psychique, avec parfois l’envie d’abandonner. Chaque être est unique et je ne jette pas la pierre à ceux qui ne peuvent pas cheminer. J’ai fait le choix de la résilience. C’était le chemin le plus difficile mais à mes yeux celui qui payait, avec beaucoup d’efforts. » Les mains tendues, elle les saisit : la directrice de l’école aménage un studio pour qu’elle puisse terminer ses études. Puis elle décroche un poste d’éducatrice sportive au centre de Kerpape. Son travail ? Aider les paraplégiques comme elle à retrouver une autonomie et assurer un programme de rééducation par le sport. Elle y fait toute sa carrière. 

L’ASCENSION

En parallèle, elle découvre l’escrime, tirant parti de ses bras valides. « La compétition a fait partie de ma reconstruction. » Elle s’entraîne et gravit les échelons jusqu’aux Jeux Paralympiques, en 1980 et 1984. En 1988 à Séoul, elle remporte sa 3e médaille et est porte-drapeau. « Nous avons été reçus à l’Elysée avec les médaillés valides. Contrairement à eux, à ce moment-là, nous ne recevions pas d’argent. » Pour Thérèse, les Jeux étaient « des lieux de fraternité et de solidarité, entre amis du monde entier ». Elle se réjouit de l’accueil des JOP en France en 2024 et espère que la médiatisation des Jeux Paralympiques sera maximale. 
Car Thérèse ne cesse de se battre pour l’égalité. « Je suis une femme citoyenne avec des besoins qui peuvent concerner tout le monde. On n’avance pas dans l’intégration des personnes en situation de handicap. » Elle lutte dans sa vie quotidienne (se servir à une station essence, utiliser le distributeur de billets, aller aux toilettes, se confronter à des normes inefficaces, au non-respect des stationnements...) ; dans la carrière qu’elle a menée ; dans son engagement associatif ; à travers la politique (elle a été élue à Lorient). Aujourd’hui, elle siège au conseil d’administration du fonds de dotation du centre de Kerpape, qui fait de la recherche et de l’innovation pour améliorer le quotidien des patients. Son autre grand combat a été l’adoption, raconté dans le livre Adoptée, écrit avec Denis Labayle. Il a été à l’initiative du projet, souhaitant mettre en lumière la rencontre de Thérèse et sa fille russe, âgée alors de sept ans, puis leur relation complexe et riche, parfois violente. À présent, elle est apaisée et les deux femmes sont très proches. Thérèse était venue à Vallons-de-l’Erdre pour une séance de dédicaces. « Ça m’a beaucoup émue. Beaucoup de personnes m’ont dit qu’elles avaient connu mes parents. Je suis attachée de coeur à ce territoire que j’ai quitté depuis longtemps, ce sont mes racines. Ma soeur, restée ici, a été ma mémoire. »